C’est dans un climat de morosité, de tension et de suspicion caractérisé par les manifestations, vandalismes, assassinats  et incendies postélectoraux que les Guinéens commémorent le 36eme anniversaire de la disparition du père de l’indépendance du pays du président Alpha Condé qui, comme en 1958, vient de doter la Guinéen d’une nouvelle constitution légale et légitime.

La Guinée des villes et des campagnes éprise de paix, de justice et de gratitude, se rappelle aujourd’hui l’un de ses fils les plus prestigieux auquel l’Afrique et le monde ont rendu un hommage mérité il y a 36 ans.

 

En effet, c’est le 26 mars 1984, que le timonier de la révolution guinéenne, le Président Ahmed Sékou Touré s’est couché définitivement à Cleveland, Ohio aux Etats-Unis.

N’en déplaise à ses détracteurs, les obsèques de « Syli Sèkhu » furent jusqu’à aujourd’hui les plus grandes jamais organisées pour un leader politique après le Général De Gaule. Ce jour, tous les grands d’alors de ce monde étaient présents à Conakry pour rendre hommage à celui qui a consacré toute sa vie à la lutte pour le bonheur de son pays et à la décolonisation de l’Afrique.

En ce jour mémorable donc, l’un des plus illustres, il est nécessaire sinon primordial de présenter ce digne fils de la Guinée à la nouvelle génération qui , par haine ou par égoïsme de certains cadres pervers et malhonnêtes qui avaient les rênes du pouvoir de 1984 à 2008, a été diabolisé et traité de tous les noms d’oiseau. Mais quoi qu’on fasse ou qu’on dise, on ne pourra jamais travestir l’histoire encore moins la réécrire, car elle est un ensemble de faits têtus dont la falsification relève de manque de probité morale et intellectuelle, d’imposture ou de simple ignorance.

 

Loin d’une prétention de se substituer aux historiens, la seule intention ici est de rafraichir la mémoire des amnésiques et d’informer la nouvelle génération sur le parcours exceptionnel d’un homme exceptionnel qui consacra sa vie au service de sa patrie. Pour le faire, je me limiterai à son combat pour  l’indépendance de l’Afrique, sa clairvoyance et les grands moments de son règne.

 

Le premier président de la République de Guinée, le responsable suprême de la révolution, le camarade Ahmed Sékou Touré est né le 9 janvier 1922 à Faranah dans un milieu de Sarakolés. Ce descendant d’Almamy Samory Touré commence son éducation d’abord à l’école coranique et l’école rurale primaire de Faranah, ensuite l’école régionale de Kissidougou et enfin celle de Conakry où il obtiendra le certificat d’études primaires. Plus tard, pour ses positions anticolonialistes il sera exclu de l’école professionnelle Georges Poiret.

 

Obligé de se lancer très tôt dans les contingences de la vie, le jeune Sékou Touré effectuera des petits boulots et plus tard il complètera sa formation professionnelle par correspondance afin de devenir comptable.

 

Une fois le diplôme acquis, il devient employé des PTT où il sera l’un des fondateurs du syndicat des travailleurs des PTT en 1945 avant de devenir le Secrétaire général.

En 1952, il prend la tête du Parti Démocratique de Guinée, section locale du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), et fait céder l’administration coloniale sur l’application totale du code de travail en Guinée.

 

En 1954, Ahmed Sékou Touré devient Conseiller Général de Guinée et Président de la Confédération générale des travailleurs d’Afrique noire, il est élu en janvier 1956 député à l’Assemblée nationale.

C’est à partir de là que son ascension va commencer. Dès novembre 1957, il devient le Vice-président du Conseil du gouvernement de Guinée et en juillet 1958 il en devient le Président.

Quand il fît voter « non » au referendum du 27 septembre 1958 portant sur la constitution de la 5e république et une adhésion à la Communauté française, Sékou Touré était non seulement maire de Conakry, mais député et Vice-président du Conseil depuis 1957.

 

La Guinée sera indépendante le 2 octobre 1958 et Sékou Touré devient le premier Président de la République avec Saifoulaye Diallo comme président de l’Assemblée Nationale, c’était le 15 janvier 1959.

 

Dès son accession à la présidence, Sékou Touré fera face au sabotage de la France qui imposa son véto à l’adhésion de la Guinée aux Nations Unies avant de la reconnaitre plus tard.

Face aux représailles de l’ancien maître qui a fermé toutes les portes de l’occident, le jeune Etat se retournera vers les pays soviétiques et le Ghana de Nkrumah.

 

Celui qui a dit après l’accession de la Guinée à l’indépendance que la Guinée ne sera jamais libre tant qu’une e parcelle de l’Afrique sera sous domination coloniale, créera en 1960 l’Union des Etats d’Afrique de l’ouest avec Modibo Keita et Nkuwme N’Nkrumah.

 

Les premiers efforts de ce grand Panafricanistes seront focalisés sur la lutte contre l’occupation coloniale des territoires africains. C’est pourquoi, Ahmed Sékou Touré soutiendra le PAIGC, accueillera l’ANC avec un séjour de Nelson Mandela en Guinée dans les années 60, offrira des passeports guinéens aux enfants de Patrice Lumumba, aux Sud Africains, engagera l’armée guinéenne dans la lutte pour l’indépendance de certains pays africains tels que l’Algérie, l’Angola, la Namibie, le Mozambique, etc. Il fut également le refuge des combattants de la liberté en Afrique. Tels que Bakary Guibo du Niger, la Sud Africaine, Miriam Makeda, le coprésident de la République de Guinée le Ghanéen Nkrumah, le président du PAIGC, le Bissau-guinéen Amical Cabral…et l’ancien ministre guinéen le Béninois Béhanzin.

 

Après la période de lutte des indépendances, Sékou Touré aura une grande réputation internationale et sera une référence dans le nationalisme. Mais petit à petit se développait une résistance à l’intérieur du pays marquée par de nombreux complots, souvent soutenus par les pays occidentaux.

Ainsi, trois moments forts retiendront l’attention : l’agression portugaise de 1970, la création en 1971 d’un tribunal populaire afin de juger les acteurs de cette tentative de renversement du régime où s’ensuivra une vague d’arrestations et exécutions pour complot, la situation particulière du Fouta en 1976 et l’assouplissement du régime en 1977 suite à la visite de Valérie Giscard d’Estaing. C’est d’ailleurs cette visite qui permit la normalisation des relations entre la France et la Guinée qui s’est concrétisée par la visite de Sékou Touré en France en 1982.

 

Le Président ayant constaté les limites du collectivisme dans l’économie, décide de virer vers les occidentaux, visite les Etats-Unis. C’est en pleine campagne d’ouverture politique et de libéralisation de l’économie guinéenne que le Président Ahmed Sékou Touré, rend l’âme le 26 mars 1984 dans sa salle d’opération à Cleveland alors qu’il préparait la conférence de l’OUA à Conakry la même année.

Il faut rappeler qu’après la tragique disparition de l’homme du 28 septembre, la Guinée disposait d’un réseau routier en pleine effervescence, des résultats concrets étaient là dans le domaine des emplois des jeunes qui ont été intégrés à des programmes de développement et aux unités industrielles d’Etat. Plus de 300 unités industrielles existaient dans le pays. Au nombre desquels une usine de chloroquine en forêt. Un médicament recherché pour arrêter cette pandémie qui ébranle le monde aujourd’hui.

Au plan éducationnel, les instituts Polytechniques de Conakry et de Kankan attiraient les jeunes  des pays limitrophes à cause de leur renommée et des cadres nationaux  bien formés qui y sortaient.

Sur le plan économique, tout n’était pas rose mais la Guinée connaissait la stabilité de la monnaie. Il y avait un contrôle strict de la masse monétaire, la maitrise de l’inflation par le contrôle du taux, la dette extérieure était raisonnable et les prix des produits de base sur le marché étaient contrôlés par l’Etat. Aucun commerçant ne pouvait à sa guise fixer le prix de sa marchandise sans se référer à la réglementation du Gouvernement. Donc le peuple n’était pas à la merci de ces  commerçants véreux,  spéculateurs et apatrides, qui sont entrain aujourd’hui de faire souffrir le panier de la ménagère. Un véritable pandémonium.  Nul besoin de  dire que l’Etat guinéen existait. Visible partout dans le pays. Il était garant de la sécurité et symbole de fierté nationale.

Certes la fourniture des services sociaux de base n’était pas assurée à 100%, mais la plupart  des grandes villes  de la Guinée était allumée et l’eau coulait des robinets.

Qui ne se rappelle pas la chanson du Horoya Band de Kankan ? « Ibaraye kuran menena Kankan » qui veut dire qu’on t’a vu à la lumière à Kankan.  A N’zérékoré  la Scierie de Sérédou fournissait de l’électricité à la ville et l’eau potable ne manquait. Des exemples sont légions.

Aussi, faut-il ajouter au crédit du président Ahmed Sékou Touré le rayonnement culturel et sportif de la Guinée avec les ballets africains, le Bembeya jazz National, les Amazones de Guinée, le célèbre Hafia Football Club, le Kaloum Star et la fameuse équipe féminine de Beyla, etc.

Il faut également signaler la bravoure  de notre armée sous le régime de Sékou Touré. Elle était une fierté africaine à la fois crainte et respectée. Sa discipline et son courage étaient plus que légendaires. Une armée qui s’illustra dans le maintien de la légalité constitutionnelle, s’est distinguée sur tous les fronts de lutte de libération Africaine et s’impliqua dans le secteur de la vie économique en s’investissant dans les programmes nationaux de développement.

Qui ne retient pas encore l’image des soldats dans les champs de riz, dans les fermes Agro-pastorales (FAPA) et dans la construction des routes et des pistes ainsi que les ouvrages de franchissements à travers les génies militaires sous la première République ?

Au lendemain de l’avènement des militaires au pouvoir, le 3 avril 1984, certains journalistes ni loi ni foi et intellectuels pervers ont mené une campagne de désinformation et de dénigrement contre la personne du feu président en prétendant qu’il aurait des châteaux par-ci, des appartements par là, et des milliards de dollars dans les banques étrangères , aujourd’hui ces colporteurs de mensonges sont à leurs propres frais. Puisqu’il a été démontré que le seul héritage que le présidente Ahmed Sékou Touré a laissé c’est la Guinée paisible et indépendante.
Car le combat de l’homme du 28 septembre n’a pas consisté à s’enrichir mais de libérer notre pays du joug colonial, de sauvegarder l’intérêt supérieur de la nation en protégeant nos ressources minières pour les futures générations et de faire rayonner sur le plan national et international les nobles idéaux et aspirations de la Guinée.

 

Sékou Touré n’est pas mort parce que 36 ans après sa disparition, le peuple de Guinée continue toujours de lui donner raison sur ses positions dans les grands problèmes contemporains.

 

En effet, c’est ce digne fils d’Afrique, l’un des plus prestigieux qui, après plusieurs années de lutte, a dit « NON » au Général De Gaule. Il fut le leader des artisans de l’accession de la Guinée à l’indépendance, sans pavoisements, ni salves de canon, sans délégations étrangères ni manifestations. Bref, par une procédure unique dans l’histoire de l’Afrique, et par la « baraka » d’une seule phrase : « nous préférons la liberté dans la pauvreté à l’opulence dans l’esclavage ».

Le rôle de ce tribun a été décisif dans la vague des indépendances des années 60 au sein des anciennes colonies françaises. Son appui aux mouvements de libération a été déterminant pour l’accession à l’indépendance des colonies portugaises et pour la chute de l’Apartheid. Nul ne peut ignorer le rôle majeur joué par la Guinée, à travers l’action de son Président, le camarade Ahmed Sékou Touré, pour la création de l’O.U.A., le 25 mai 1963.

Les peuples africains se rappelleront ce grand africain qui a dit, après l’accession de son pays à l’indépendance, que la Guinée ne sera jamais libre tant qu’une parcelle de l’Afrique sera sous domination coloniale. D’où son combat sans relâche aux cotés de l’Algérie, l’Angola, la Namibie, le Mozambique, la Guinée Bissau…pour leur indépendance. C’est d’ailleurs ce qui lui vaut un vibrant hommage à chaque sommet de l’Union Africaine. Car il reste un modèle et une référence pour tous les panafricanistes.

 

C’est lui qui fut le premier à dénoncer le caractère colonial du Franc CFA qui est décrié aujourd’hui partout en Afrique en créant la monnaie guinéenne   dès le lendemain de notre indépendance.

C’est lui qui a défendu avec vigueur la cause palestinienne.
Ce panafricaniste qui a toujours joint la parole à l’action et qui fut le refuge des combattants de la liberté en Afrique. Tels que Bakary Guibo du Niger, l’icône Sud-Africaine Miriam Makeba, le chantre de la chanson africaine, le coprésident de la République de Guinée le Ghanéen Kwamé N’krumah, le président du P.A.I.G.C. le Bissau-Guinéen Amilcar Cabral … et l’ancien ministre « guinéen » le Béninois Béhanzin.

Celui qui a fourni les premières armes de l’A.N.C. et délivré un passeport à Nelson Mandela dans le cadre de sa lutte contre l’apartheid.

La création de l’O.U.A. a été rendue possible grâce à la tenue de la Conférence de Casablanca en 1961, à laquelle Kwamé Nkrumah (Ghana), le Mwalimu Julius Nyerere (Tanzanie), Gamal Abdel Nasser (Égypte), Ahmed Sékou Touré (Guinée), Modibo Keita (Mali), Ferhat Abbas (Algérie) et d’autres grands dirigeants d’États africains nouvellement indépendants et des mouvements de libération nationale qui formaient à l’époque le camp progressiste avaient pris part, invités par le Roi Mohamed V du Maroc. C’est cette conférence qui a posé les jalons qui ont conduit à la création de l’Organisation de l’unité africaine (O.U.A.) en 1963.

Savez-vous que, pour le 20ème Sommet de l’O.U.A. qui était prévu à Conakry, le Président Ahmed Sékou Touré s’était engagé à faire en sorte que, le premier noyau d’un Exécutif Africain soit constitué. Ceci rendu possible à travers notamment la création de Ministères Panafricains clés tels, celui de l’Éducation, de la Recherche Scientifique et de la Culture ; des Transports et des communications ; du Plan et de l’Économie… Nous sommes convaincus qu’au regard du prestige, du respect et de l’aura dont il jouissait, le Président Ahmed Sékou Touré serait parvenu à ses fins et qu’aujourd’hui, c’est de la création d’autres Ministères Panafricains qu’il s’agirait ! ».

Les peuples du monde garderont encore en mémoire, celui qui fut un des grands médiateurs dans les conflits internationaux, tels ceux qui opposaient l’Iran à l’Irak, et le Mali au Burkina Faso.

Celui qui fut vice-président de l’O.C.I. et de la Ummah islamique et qui s’est battu corps et âme pour le retour de l’Egypte dans la Ligue Arabe et dans l’O.C.I. On se rappelle encore ce grand discours qu’il a tenu a` Rabat (Maroc), dans les années 80, lors du sommet de l’O.C.I. où il a dit en substance : « quand une sanction s’appelle suspension, elle ne peut plus durer. L’Egypte doit revenir… »

Et enfin c’est lui qui a défendu la marocanité du Sahara Occidental jusqu’à la fin de sa vie.

A cette dernière affirmation, il faut ajouter sa proposition lors du 17e sommet de l’O.U.A. à Freetown (Sierra Leone) pour sauver l’organisation qui était au bord de l’implosion: « laissons le Maroc d’un côté, le Polisario de l’autre. Ne nous divisons pas, l’O.U.A. nous est indispensable. Le problème qui nous préoccupe peut être résolu par les populations concernées, organisons les consultations… ».

Ce sont les actes posés par le Président Ahmed Sékou Touré et ses prises de position dans les conflits régionaux et internationaux qui on fait dire Aboubacar Somparé l’ancien Président de l’Assemblée Nationale en 2007 ceci: « Quelle que soit la volonté affichée d’occulter le rôle éminent joué par les compagnons de notre indépendance, on ne saurait par exemple, sans une forte dose de mauvaise foi, parler de l’O.U.A. sans mentionner feu le Président Ahmed Sékou Touré et le rôle qu’il a joué dans la libération de la Guinée et dans l’émancipation des peuples africains ».

Suffisant pour convaincre.

 

Bangaly Condé « Malbanga »

 

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.